Interviews écrites
JEAN-LUC  VANDISTE
 
Comment avez-vous approché cette page d'histoire ? Avec un côté documentaire ?
Si vous vouliez raconter la véritable histoire de Pearl Harbor, vous feriez un film de neuf heures ! Il y a tant d'histoires à raconter. Nous nous sommes attachés à mettre de-ci de-là des parties d'histoires vraies, que nous ont racontées les survivants. Nous voulions ainsi essayer de transcrire l'essence du moment, ce que l'on pouvait ressentir en se trouvant là ce terrible matin. Le détail de Kate utilisant son rouge à lèvres pour marquer les blessés est par exemple vrai, de même que les bouteilles de Coca Cola utilisées pour le sang, et le fait que deux aviateurs américains seulement aient pu prendre leur envol et abattre six ennemis est également véridique.
Il paraîtrait que des séquences ont été supprimées pour ne pas heurter la sensibilité du public lors de la diffusion du film au Japon. Y a-t-il plusieurs "versions" du film ?
Il ne s'agit que de rumeurs. La seule chose qui diffère est la date de l'attaque : pour le Japon, il s'agit du 8 décembre, alors que pour nous c'était le 7 décembre, à cause du décalage horaire entre nos deux pays. A part ce changement de date, nous n'avons enlevé pour la version distribuée au Japon que deux lignes de dialogue. Les différences sont donc extrèmement minimes, voire quasi inexistantes.
Comment le film a-t-il été reçu par les survivants et leurs familles ?
Avec des larmes et de l'émotion. Le petit-fils de Roosevelt m'a félicité d'avoir su retranscrire à l'écran son grand-père tel qu'il était vraiment.
L'évolution de la technologie que nous connaissons en matière de films ces dernières années a dû être un point essentiel pour rendre possible la réalisation de Pearl Harbor.
Je suis allé à Pearl Harbor, c'est là que j'ai eu l'idée de filmer cette attaque. Evidemment, il n'y avait plus de bateau, puisqu'ils avaient été coulés. Il n'existe plus au monde qu'un véritable avion "zéro" japonais, que nous avons utilisé dans le film. En tout, nous avions neuf avions japonais. Bien sûr, la technologie digitale nous a aidés, mais vous serez peut-être surpris de savoir qu'il n'y a que 150 plans d'effets spéciaux dans le film. En comparaison avec Titanic, qui en a 550, ou aux 300 de Armageddon, c'est peu. La raison essentielle qui explique cela est que nous avons tourné en réel de nombreuses scènes. Je tiens cependant à adresser mes compliments à George Lucas, qui possède ILM, avec qui nous avons fait les effets spéciaux. Il m'a envoyé une lettre me disant que les effets de Pearl Harbor sont les meilleurs qu'il ait jamais vus. Venant de lui, cela m'a particulièrement touché, surtout que j'ai travaillé pour George lorsque j'avais quinze ans !
Aviez-vous des films de référence qui vous ont inspiré et comment avez-vous fait pour renouveller un genre si connu, le film de guerre ?
Je n'ai pas été inspiré par un film en particulier. Au cours de mes recherches sur Pearl Harbor, j'ai étudié plus particulièrement les combats aériens, à partir des documents existants. J'ai regardé beaucoup à la TV la chaîne History Channel, tant les documents sur la seconde guerre mondiale que les interviews. J'ai vu beaucoup de photos aussi, et pas seulement des films. On m'a demandé "Pourquoi avez-vous montré des soldats se faire toucher sous l'eau, puisqu'on l'a déjà vu dans Il faut sauver le Soldat Ryan ?". Simplement parce que cela s'est véritablement passé. De même, on m'a demandé "Pourquoi nous montrer un navire en train de couler, puisqu'on l'a vu dans Titanic ?". Car cela s'est passé ainsi. Il fallait bien montrer ce qui s'était passé pendant cette attaque !
Propos recueillis et traduits par Jean-Luc VANDISTE
Michael Bay et Jean-Luc Vandiste
Pourquoi faire un tel film ? Quand on voit la fin, avec cette attaque américaine, cela regonfle le moral.
Cela a de l'importance pour les survivants. Ils ont été très fiers de ce film, car il honore leur sacrifice. Je pense que le temps était venu de faire ce film, car le temps avait passé. On n'aurait pas pu le faire par exemple cinq ans seulement après la guerre. Un certain temps devait s'écouler. Nous avons traîté les Japonais de manière très digne dans le film. Ils étaient très courageux et braves, et ont mené une excellente attaque. Pour moi, le film honore toute une génération qui, comme vos grands-parents ont su le faire, ont fait passer leur pays avant eux-mêmes. Ce genre d'attitude est plutôt rare de nos jours. Rencontrer tous ces survivants rend très humble. C'était des gosses de 15 ou 17 ans, prêts à mourir pour leur pays.
Pourquoi avoir donné autant de glamour à la guerre ?
Michael Bay : J'ai rencontré et interviewé environ 150 survivants de cette attaque de Pearl Harbor. A la question "Comment était Hawaï à cette époque, avant l'attaque ?", leurs yeux s'éclairaient et ils disaient "L'océan, la plage, les femmes, c'était le paradis. C'était tellement loin de la guerre en Europe". C'était une époque innocente, et le glamour était présent, il suffit de regarder des photographies prises à ce moment-là pour s'en rendre compte.
J'ai toujours admiré le travail de Michael Bay. J'ai été enthousiasmé par Rock, avec l'extraordinaire Sean Connery et Nicolas Cage, ainsi que par Armageddon, un grand spectacle ébouriffant avec une de mes stars préférées, Bruce Willis, au meilleur de sa forme. Quelques années plus tard, Transformers a révélé au monde entier une star de demain, qui est déjà un très grand acteur, le jeune Shia LaBeouf.
J'ai eu la chance de pouvoir rencontrer Michael Bay au moment de la promotion de Pearl Harbor, qui retrace avec virtuosité un moment clé de la Seconde Guerre Mondiale et particulièrement traumatisant pour les Etats-Unis.
Michael Bay